Google Pixel 3, Huawe Mate 20 Pro, Samsung Galaxy S10 ou encore iPhone XS d’Apple, on sait désormais tout des smartphones avant même leurs officialisations grâce aux nombreuses fuites, erreurs et rumeurs les concernant. De la conception à la commercialisation du produit, faisons le point sur les sources des fuites.
Depuis plusieurs années, les fuites et rumeurs concernant les prochains appareils des grandes marques sont devenues légions. Il ne se passe plus un jour sans que l’on entende parler des caractéristiques de tel ou tel smartphone très attendu. Désormais, on sait tout ou presque d’un smartphone avant son officialisation.
Selon certaines personnes, tout cela est organisé par les équipes marketing des marques elles-mêmes. Leur permettant de faire parler de leurs produits tout au long de l’année. S’il arrive, très ponctuellement qu’une marque oriente la presse vers des fuites, les rumeurs contrôlées sont en fait extrêmement rares. Evan Blass (evleaks sur Twitter) indique à ce titre que « la fréquence des fuites contrôlées n’est jamais aussi élevée que ce que les gens pensent ».
A good rule of thumb is that if a company's phone division is profitable, they don't do controlled leaks. If not, they probably have at some point. But it's never with the frequency that some people seem to think. https://t.co/6hG3vd8m8T
— Evan Blass (@evleaks) February 18, 2019
Pour tout comprendre, le mieux est encore de retracer l’origine des fuites et des rumeurs.
La conception : brevets, analyse et indiscrétions d’ingénieurs
Avant de parler du produit fini, il faut d’abord parler de sa conception, de la mise en projet. C’est pendant cette première phase que l’on peut déjà lire des échos dans la presse du travail de la marque. Comment ? D’abord par les indiscrétions des ingénieurs sur le projet ou par la publication de brevets.
Dans le premier cas, cela peut permettre de faire juger par les fans de la marque de l’intérêt d’un projet, quand les responsables peuvent en douter. D’après certains journalistes américains, c’est exactement ce qui s’est passé avec le projet Microsoft Andromeda, l’appareil mobile pliable dont la commercialisation se fait encore attendre. Certains ingénieurs sur le projet craignaient son annulation, et ont préféré donner des informations à la presse pour évaluer la réaction des fans et des lecteurs, espérant convaincre les décisionnaires de poursuivre le projet. Cela rend d’ailleurs l’annulation plus délicate, puisqu’il faut alors que la marque prépare une raison pour justifier l’annulation. On le voit souvent dans le secteur du jeu vidéo.
Pendant cette phase, ou des années auparavant, les constructeurs déposent également des brevets pour protéger des idées qui pourront alors être intégrées à leurs futurs produits. Ces brevets, parfois repérés par des médias spécialisés, peuvent alors donner une idée sur l’orientation des produits de la marque.
C’est aussi à ce moment que les analystes peuvent rendre leurs premiers rapports sur les activités de la firme, et leur prédiction sur les futurs produits.
- Niveau de fiabilité : très faibles, les projets peuvent être annulés, un brevet ne se traduit pas forcément par un produit commercialisé, et les analystes ne voient pas forcément juste.
- Exemples : Les brevets du Surface Studio ont révélé son design avant la présentation. Dix mois avant la présentation de l’iPhone XR, le cabinet KGI Securities prédisait l’arrivée de cet iPhone équipé d’un écran 6,1 pouces LCD.
La production en usine, source de fuites
Une fois que le projet prend les traits d’un produit dont la commercialisation est sérieusement envisagée, la marque va continuer à réaliser de nombreux prototypes. Pendant cette phase, un fabricant va aller jusqu’à faire tester la production de son smartphone sur les chaînes de production, souvent en Chine.
C’est à cette occasion que les premières indiscrétions externes à la marque peuvent se retrouver sur le web. Ici, la plus connue des sources est Steve Hemmerstoffer, également connu sous le pseudonyme Onleaks sur Twitter. Lors de notre interview en 2018, il avait expliqué : « Je puise mes infos à la source, quand le smartphone est encore aux toutes premières étapes de sa conception ».
Quelques exemples de fuites venant de Onleaks, publiées plusieurs mois avant la commercialisation des smartphones
À partir de ses sources, Steve Hemmerstoffer obtient les plans CAD d’un produit, c’est-à-dire les plans de conceptions en 3D. Il réalise ensuite des visuels en image de synthèse qui permettent d’avoir une idée assez précise du design du produit.
Ce n’est pas la seule source dans ce domaine. Il est fréquent de voir des photos de prototypes ou de composant sortir des usines de fabrication, parfois capturées directement par des employés des lignes de production. Certains accessoiristes, notamment les fabricants de coques, peuvent également confirmer le design.
- Niveau de fiabilité : moyen/élevé (dans le cas d’Onleaks), le design est là dans les grandes lignes, mais certaines erreurs ou imprécisions peuvent subsister.
- Exemples : la photo du Nokia 9 Pureview dans une usine. Les images du Samsung Galaxy Note 9 partagées par Onleaks, trois mois avant l’annonce du smartphone. Les coques du Huawei P30 présentées par Spigen.
Le cas des réseaux sociaux chinois
C’est à cette étape que de nombreuses images et supposées fuites sont publiées sur les réseaux sociaux, en particulier en Chine. Plus le smartphone est attendu, plus on va pouvoir trouver de « concepts » plus ou moins fantaisistes. Vous l’avez compris, c’est aussi pendant cette phase que naissent beaucoup de fakes, des fausses informations créées pour tenter de faire le buzz.
C’est là qu’il est très important de faire le tri, et ça fait justement partie de notre métier à FrAndroid. Il faut déceler ce qui peut être une source crédible, ou ce qui correspond potentiellement aux autres fuites, ou aux habitudes de la marque.
La certification : étape obligatoire pour vendre
Étape obligatoire pour un fabricant avant la préparation de la commercialisation, il faut faire certifier l’appareil. Ces certificats sont souvent publics, et apportent des informations supplémentaires sur les produits. On peut notamment mentionner la certification de la FCC, qui régule les télécommunications aux États-Unis, la TENAA en Chine, ou la validation par la Bluetooth SIG et la Wi-Fi Alliance.
- Niveau de fiabilité : très élevée, la certification montre que le produit existe bien, et qu’il approche de la commercialisation. Dans le cas de la FCC, on parle de documents administratifs pour se conformer à la loi.
- Exemples : la certification du Nokia 8.1 sous le nom Nokia 7.1 Plus par la FCC. La certification du Pocophone F1 avec une description de Xiaomi par le Bluetooth SIG.
Quand le département marketing s’en mêle
Quand la commercialisation du smartphone approche, le département communication et marketing peut prendre le relais. Il aura notamment pour mission de préparer la communication autour du lancement : les publicités, le site officiel, mais aussi la conférence d’annonce. C’est aussi ce département qui va devoir nouer des partenariats avec les circuits de distribution pour vendre le smartphone, sur Internet ou en boutique. Enfin, c’est lui qui peut également prévenir en avance certains journalistes triés sur le volet, leur présenter le produit, et fournir des images et la fiche technique.
C’est d’ailleurs à ce moment que sont réalisés les visuels commerciaux du produit, les fameux « rendus presse ». Ici ce sont Evan Blass, connu sous le pseudonyme evleaks, et Roland Quandt, qui sont les spécialistes pour divulguer en avance ces images, et des informations sur les caractéristiques techniques, la disponibilité, le prix ou même le nom commercial du produit.
- Niveau de fiabilité : très élevé, le smartphone est déjà entré en fabrication de masse, il n’y a presque plus de place à l’erreur, et les sources des fuites proviennent des dernières étapes de conception avant l’annonce.
- Exemples : les visuels presse des Galaxy S10 et Galaxy S10+. La publication en avance des fiches produits du Google Pixel 3. La publication sur une page web du site d’Apple des images de l’iPhone XS.
Plus on est de fous, plus on fait des erreurs
C’est dans ces derniers moments avant la commercialisation du produit qu’un maximum de personnes est dans le secret. C’est donc à ce moment que les fuites, ou les erreurs ont le plus de chances d’arriver. C’est logique, plus de personnes sont au courant, plus il y a de probabilité pour que l’une d’entre elles vende la mèche.
De même, les probabilités d’erreur augmentent. Les erreurs peuvent arriver tous les jours dans n’importe quel métier. La publication d’une fiche produit ou d’un article parce qu’on s’est trompé d’un jour en programmant la publication. La diffusion par erreur d’une publicité, ou la validation d’une mise à jour d’application dont on avait oublié qu’elle contenait des informations sur les nouveaux produits. Tout cela peut facilement arriver.
Pour empêcher les fuites : prendre le problème à l’envers
Pour les grandes marques, la diffusion de ces fuites et de ces rumeurs est un vrai problème. Bien sûr, les rumeurs qui alimentent les sites d’informations font parler des marques.
Cependant, il faut comprendre que ces fuites peuvent donner la puce à l’oreille concernant le design d’un produit et la stratégie interne d’une entreprise. Il est évident que les fuites concernant l’iPhone X ont permis l’émergence rapide de clones, en quelques mois seulement.
Companies like Apple and Samsung don't do controlled leaks, and would not do them, both because they have the blogging community to do it for them anyway, but more pointedly, because they don't want other OEMs getting a head start on copying features and designs. https://t.co/kBm7ee6rJn
— Evan Blass (@evleaks) February 18, 2019
Garder la surprise
Plus généralement, l’annonce surprise d’un produit a toujours un impact beaucoup plus fort en termes de communication, que s’il a fait l’objet de nombreuses fuites.
Il n’y a rien de plus ennuyeux que les conférences dont on pense savoir tout à l’avance. Pour réussir un coup d’éclat, certaines marques ont trouvées une solution. L’annonce, et la présentation au moins partielle du produit, a lieu bien avant sa commercialisation et, même la mise en production. Ainsi, la marque peut court-circuiter tout le parcours que nous avons détaillé dans ce dossier.
Exemples : L’annonce surprise des premières Microsoft Surface ou le teaser de l’iMac Pro par Apple, ci-dessus.