Suite au décret américain publié dimanche 19 mai, des entreprises américains ont stoppé leur relation commerciale avec le groupe Huawei. Le groupe chinois perd ainsi sa licence Android et de nombreux contrats. Nous vous avons demandé si vous aviez des questions, voici nos premières réponses.
Ce dossier sera régulièrement mis à jour pour vous apporter des réponses concrètes.
Hier, un décret du gouvernement américain a obligé les entreprises américaines à rompre leurs relations avec Huawei. L’information a été dans un premier temps publiée par Reuters, puis confirmée quelques heures après.
Le podcast pour tout comprendre
La rédaction de FrAndroid est revenu sur l’affaire Huawei accompagné de Melinda Davan-Soulas, journaliste tech et jeux vidéo chez LCI. Pour s’abonner au podcast Salut Techie, c’est par ici.
Est-ce que c’est vraiment vrai ?
Oui, Google l’a confirmé.
For Huawei users' questions regarding our steps to comply w/ the recent US government actions: We assure you while we are complying with all US gov't requirements, services like Google Play & security from Google Play Protect will keep functioning on your existing Huawei device.
— Android (@Android) May 20, 2019
Nous avons contacté Google France qui nous a répondu la chose suivante :
Nous respectons le décret et examinons les implications. Pour les utilisateurs de nos services, Google Play et les protections de sécurité de Google Play Protect continueront de fonctionner sur les appareils Huawei existants.
Est-ce que c’est Google qui a pris cette décision ?
Non, c’est un décret du gouvernement américain qui interdit aux entreprises américaines de traiter avec Huawei. Google, puis Intel et Qualcomm, ont rapidement annoncé rompre leurs relations commerciales avec Huawei.
La firme de Mountain View a d’ailleurs beaucoup plus à perdre qu’à gagner dans cette décision. Google apporte d’ailleurs son aide à Huawei pour essayer de faire changer le gouvernement américain d’avis.
Huawei peut-il encore utiliser Android ?
Oui, la licence Android concerne les services Google (Play Store, YouTube, Maps, Gmail, etc.) et certaines API : c’est ce que l’on appelle les licences GMS. Huawei peut télécharger Android à travers l’initiative open source AOSP de Google. Malheureusement, il est compliqué de proposer un écosystème Android viable dans le monde sans Google : de nombreuses apps utilisent des API Google, pour les notifications par exemple.
Les smartphones Honor sont-ils également concernés ?
Oui, Honor fait partie du groupe Huawei. Notons d’ailleurs que les sorties des Honor 20 et Honor 20 Pro ont été mises en suspens et cela est vraisemblablement lié à cette affaire.
Cela concerne-t-il tout le monde entier ou juste les États-Unis ?
Le monde entier. D’ailleurs, les firmes étrangères utilisant des technologies américaines sont aussi obligées de respecter cette restriction et de rompre leurs relations avec Huawei.
D’ailleurs le Britannique ARM — filiale du Japonais SoftBank — a dû arrêter sa collaboration avec Huawei. Ce dernier ne peut donc plus fabriquer ses puces Kirin avec une architecture ARM. Panasonic également s’est éloigné de Huawei, mais ce dernier peut tout de même toujours compter sur le fondeur TSMC.
Un retour à la normale est-il possible ?
Il y a des raisons de croire que cette sanction sert surtout de levier de négociations à l’administration Trump dans sa guerre commerciale contre la Chine. En fonction des discussions et des compromis qui pourront être faits de part et d’autre, un retour à la normale est tout à fait plausible. Les choses s’améliorent d’ailleurs un peu pour Huawei qui a pu retrouver sa place au sein de la Wi-Fi Alliance et de la SD Association en plus de voir son Mate 20 Pro réintégrer les rangs de la bêta d’Android 10 Q.
Qu’en est-il des opérateurs téléphoniques ?
Dans plusieurs endroits du monde, des opérateurs téléphoniques ont annoncés qu’ils rompaient leur collaboration avec Huawei. Plusieurs lancements de produits ici et là ont ainsi été avortés.
Pourquoi uniquement Huawei et Honor, et pas Xiaomi, Oppo, OnePlus, etc. ?
C’est une question posée sur Twitter. Pour le moment, le gouvernement américain s’en est pris à ZTE et Huawei car ce sont également des équipementiers télécom. Par contre, on ne peut pas complètement repousser une hypothèse où l’interdiction touche toutes les entreprises chinoises. Dans cette bataille économique des États-Unis et de la Chine, tout est possible.
Notez que si Huawei représente un danger pour la sécurité intérieur américaine d’après Donald Trump, ce dernier est prêt à autoriser ce « danger » si la Chine négocie un accord commercial avec les Etats-Unis.
Dois-je garder mon smartphone Huawei ou Honor ?
Malgré ce décret, votre smartphone Huawei ou Honor reste fonctionnel. Par contre, la mise à jour Android Q — la prochaine mise à jour majeure d’Android poussée par Google — ne sera pas disponible. Néanmoins, il semble précoce de revendre son smartphone ou d’annuler son achat sous prétexte du décret américain. Les choses peuvent rapidement changer.
En attendant que la situation s’arrange, nous ne conseillons pas d’acheter un smartphone Huawei ou Honor aujourd’hui.
Quelles sont les alternatives pour Huawei ?
Le groupe Huawei va sans doute faire appel de cette décision, et les gouvernements américains et chinois vont tenter de trouver une issue à ce conflit. Néanmoins, Huawei se tenait déjà prêt à remplacer Android. Le groupe chinois développe son propre OS et peut également décider de développer un OS basé sur Android grâce à AOSP. En Chine, Android a plus de 90 %, de parts de marché malgré l’absence de Google. Rajoutons aussi que l’OS maison de Huawei serait capable de faire tourner des applications Android.
En déverouillant le bootloader, Huawei pourrait éventuellement trouver des solutions.
Huawei : son OS alternatif déjà prêt à remplacer l’Android de Google
Avec près de 75 % de parts de marché dans le monde, Android est en position de quasi-monopole. L’arrivée d’une alternative serait une bonne nouvelle pour le marché et l’innovation.
Les utilisateurs de Snapchat, Instagram… ont-ils vraiment besoin des produits Google ?
Snapchat, Instagram… n’ont pas besoin des produits Google pour fonctionner, exceptés pour quelques fonctions (notifications GMS, API Google Maps, etc.). Malheureusement, Snapchat, Instagram et de nombreuses apps et jeux sont édités par des entreprises américaines, Huawei ne peut pas signer des accords de distribution avec ces acteurs pour un app store alternatif.
Huawei peut-il proposer un store d’apps Android alternatif ?
Question posée sur Twitter. Un store d’apps Huawei peut donc être une alternative au Google Play Store, mais cela ne sera pas facile de l’imposer aux utilisateurs si les applications et jeux américains n’y ont pas leur place. Ils existent déjà deux store d’apps alternatifs Huawei : le premier se nomme AppGalery et est pré-embarqué sur les smartphones Huawei et Honor, le second se nomme Huawei App Store et est dédié au marché chinois.
Dans les deux cas, ces boutiques d’applications ne pourraient a priori pas conclure de contrats avec des entreprises américaines, comme Netflix, Facebook et bien d’autres. Notons aussi qu’Aptoide se tient prêt à faire affaire avec Huawei en tant qu’alternative du Play Store.
Pourquoi la Chine ne fait pas la même chose avec les produits américains en Chine ?
C’est déjà le cas, Google est banni de Chine depuis 2011. Néanmoins, le conflit entre la Chine et les États-Unis pourrait aller encore plus loin… que se passerait-il si la Chine interdisait l’iPhone sur son marché ? Si Apple ne pouvait plus travailler avec les entreprises chinoises ? La Chine et les États-Unis ont beaucoup à perdre dans ce conflit économique.
Comme le précise Numerama, il est possible que le Département du Commerce revienne sur sa décision afin qu’elle « n’implique pas les contrats en cours ». Reste que les décisions des grandes entreprises américaines ne reflètent pas cette orientation. De plus, on imagine mal le président Trump se priver d’un levier aussi puissant pour ses négociations.
De son côté, la Chine est prête à priver les États-Unis de matières premières en guise de représailles. Reste à savoir jusqu’à quel point l’escalade peut aller.
Quelle est la réponse de Huawei ?
Huawei France a déjà fait une déclaration pour rassurer ses clients.
Bonjour à tous, concernant l'annonce faite par Google, nous vous invitons à prendre connaissances du message ci-dessous. Nous vous communiquerons plus d'informations dès que possible. pic.twitter.com/mgtePeUX3y
— Huawei Mobile France (@huaweimobilefr) May 20, 2019
« […] Huawei continuera d’apporter les mises à jour de sécurité et d’assurer les services d’après-vente à tous les smartphones et tablettes déjà vendus et tous ceux disponibles sur le marché à travers le monde. Nous continuerons de construire un écosystème logiciel sécurisé et durable afin d’apporter la meilleure expérience à tous les utilisateurs dans le monde », lit-on dans le communiqué.
Par la suite, nous avons appris que l’entreprise cherchait un moyen de prouver que la décision américaine ne respectait pas la Constitution des États-Unis.
Est-ce que le sursis de 90 jours accordé à Huawei change quelque chose ?
Les États-Unis ont accordé un sursis de trois mois à Huawei. Cette licence temporaire sert exclusivement à « maintenir les réseaux déjà en place et déployer des mises à jour pour les smartphones déjà existants ». Cela permet à la marque et à ses utilisateurs de souffler un peu, mais le problème posé aux futurs smartphones du constructeur reste toujours d’actualité : ils n’auront pas accès aux services de Google.
Ce sursis ne change donc pas grand chose au final.